L’ultra-droite en France ? Ne refait pas la Fraction armée rouge qui veut !

L’affaire Benalla l’a un peu fait oublier, mais on a récemment démantelé un « réseau d’ultra-droite » en France. Son meneur est un retraité de plus de 60 ans. Xavier Raufer, spécialiste reconnu des questions de sécurité, assure que ce n’est pas à cet âge qu’on débute une carrière de terroriste. Tout cela est-il bien sérieux ?

Même sans les remous soulevés par les agissements d’Alexandre Benalla, cette histoire aurait rapidement été oubliée, tant elle manquait de sérieux. Elle n’a été médiatisée que dans l’espoir d’établir une fausse symétrie entre le terrorisme islamiste et les projets fumeux de quelques conspirateurs d’opérette : d’un côté 250 morts en trois ans, de l’autre des propos de comptoir. Personne ne pouvait s’y laisser prendre. Comme le terrorisme, la clandestinité ne s’improvise pas. C’est un choix de vie difficile, où il n’y a pas de place pour les pieds nickelés, les branquignols et les charlots. Elle exige une discipline féroce, des nerfs à toute épreuve, de la rigueur dans tous les domaines, un sens aigu de l’appréciation des situations. Ne refait pas la Fraction armée rouge (RAF) qui veut – surtout à une époque où les moyens de surveillance et d’investigation policières sont plus perfectionnés que jamais.

Cela dit, il y aura toujours aussi des esprits fantasques, mais surtout un peu limités, pour rêver d’Anders Behring Breivik et de sa logique imparable : je trouve qu’il y a trop d’immigrés en Norvège, donc je tue 70 Norvégiens « de souche ». Mais Breivik a agi seul, ce qui est rarement le cas de ceux qui rêvent de guerre civile sans réaliser qu’ils l’ont déjà perdue. Ce genre de mythomanes paranos, les asiles en sont pleins. Je suis même étonné qu’il y en ait si peu qui passent à l’acte.

À droite, la tentation de l’« action directe » n’a rien de nouveau. Mais, de la Cagoule au réseau en question, tout en passant par l’OAS, on ne saurait prétendre que tout cela ait véritablement fait un jour trembler qui que ce soit…

D’une façon générale, la droite est assez légaliste (« la police avec nous ! »), ce qui explique qu’elle hésite toujours à remettre en question l’ordre en place – même si celui-ci, comme le disait Mounier, n’est jamais qu’un désordre établi. On pense à ce que Lénine disait de certains révolutionnaires allemands : quand ils sont chargés de commettre un attentat dans une gare, ils commencent par acheter un ticket de quai. Lorsque la droite s’engage dans l’illégalité, c’est en général sous le coup de l’enthousiasme ou de l’indignation, avec parfois le goût du panache et un certain dandysme, le goût du défi et des beaux « coups », mais surtout avec une imprudence, une naïveté et un amateurisme confondants, bref, sans grand sérieux. Sous l’Occupation, combien de réseaux de résistance ont-ils été démantelés suite à des indiscrétions, des bavardages, des rivalités, des trahisons liées à des histoires de sexe ?

Vous citez l’exemple de la Cagoule. Il est révélateur. Le 11 septembre 1937, les « cagoulards » font sauter, rue de Presbourg, à Paris, le siège de la Confédération générale du patronat français, l’ancêtre du MEDEF. Deux gardiens de la paix sont tués. Les comploteurs n’ont pas du tout agi par anticapitalisme, mais parce qu’ils pensaient que l’armée, scandalisée par cette attaque contre le patronat, l’attribuerait aux communistes et se soulèverait pour renverser le Front populaire ! On voit le niveau politique de ces gens-là. Quant à l’OAS, comme disait quelqu’un qui savait de quoi il parlait, elle était certes armée, mais très mal organisée et encore moins secrète. Là encore, les Filochard du quai des Orfèvres n’ont pas eu grand mal à ramasser tout le monde, ou peu s’en faut. Allez donc demander à des gens sérieux comme les anciens chefs de l’Armée révolutionnaire irlandaise (IRA) ce qu’ils pensaient de leurs émules du continent…

Et l’affaire Benalla ?

C’est le feuilleton de l’été (plus de 25 articles ou billets sur Boulevard Voltaire !), ce qui permet de se désintéresser de tout ce qui se passe d’important dans le monde. Au-delà des démonstrations de vigueur musculaire de l’intéressé, place de la Contrescarpe et sans doute ailleurs, qui ne sont quand même pas l’affaire du siècle, la vraie question qui se pose est de savoir comment Alexandre Benalla a pu, dans l’ombre d’Emmanuel Macron, bénéficier d’une carrière météorique qui lui a donné autant de privilèges exorbitants du droit commun.

Comment un Rambo de supermarché, apparemment incapable de contrôler ses poussées de testostérone, et aujourd’hui suspecté d’avoir voulu mettre en place un réseau de sécurité indépendant des pouvoirs publics officiels (en clair, une police parallèle), a-t-il pu se rendre indispensable au point de pouvoir injurier et humilier gendarmes et policiers pendant des mois sans s’attirer de sanctions autres que symboliques ? Comment a-t-il pu se sentir couvert aussi longtemps au plus haut niveau de l’État ? Macron est-il totalement incapable d’évaluer ceux qui l’entourent, ce qui serait déjà inquiétant, ou y a-t-il une autre raison ? Question subsidiaire, à laquelle on attend toujours une réponse : qui a fait fuiter cette affaire par le truchement de la presse ? Pour punir qui et pourquoi ? Bien d’autres hommes politiques ont accordé leur confiance dans le passé à des individus douteux, voire à des voyous dont ils appréciaient l’« efficacité » ou les capacités à jouer les « intermédiaires » dans des affaires délicates. Ils s’en sont toujours mordu les doigts.

Entretien réalisé par Nicolas Gauthier

2 thoughts on “L’ultra-droite en France ? Ne refait pas la Fraction armée rouge qui veut !”

  1. Cette minable affaire d’ « ultra-droite » fait un peu penser à l’affaire des gauchistes de Tarnac pourchassés par l’ancienne Ministre de l’Intérieur, puis de la Justice, de Nicolas Sarkozy ; et ça pourrait se dégonfler encore plus vite …
    Au fond la seule fois que le terrorisme d’ultra droite aura été vraiment dangereux depuis 1945, et en Europe, ce fut pendant ce qu’on a appelé – depuis – les « années de plomb », en Italie surtout. Avec, par exemple, et entre autres, l’atroce attentat de la gare de Bologne. Fut ainsi, et plus tard, révélée au grand public, par un homme politique italien de première importance, l’existence du réseau « Gladio ». Et c’était sans doute dans le cadre de l’OTAN que, « soutenu » et organisé par des services secrets américains, ce réseau fut relié à un « super-réseau » européen appelé « Stay-Behind ».

  2. Bonjour,

    Peut être…

    Votre expérience historique de la lutte « souverainiste/nationalistes » est sacrément « old scool », vous n’avez pas la même perception de l’asymétrie du combat, de l’éthique a appliquer a la grosse masse d »innocents » pris entre deux feu, des objectifs prioritaires, que moi aujourd’hui.

    La stratégie suivante, elle nous est vendu par un haut gradé encarté, qui ne veux rien savoir sur les détails des opérations locales et nous dénoncera au moindre pet de travers comme étant des extrémistes archaïques et pittoresques, pas du tout représentatif du mouvement.

    Quelle stratégie pour la convergence souverainiste?

    Une version « alambiqué » (beaucoup moins centralisé et beaucoup plus codifié), de la stratégie gagnante de la décennie: un jour rouge, un jour blanc. Ca en emmerde plus d’un que ca vienne des frères musulman, mais bon ca marche tellement bien qu’on attrape aussi des verts et des rouges dans cette convergence, et les stratégies n’ont ni parti, ni patrie.

    => Une séance de proposition, de concertation, de démocratie et de débat publique, ou tout le monde semble assez coopératif avec l’ennemi, papotant futilement et gentillement de ce qui a été décidé pour eux. Pour la promotion des idées, la concertation avec les copains étrangers, le spectacle.

    ->Avec une composante « dure », de plaintes, dénonciation, manifestation mais tout vrai, tout légal, tout sincère. Un bon exemple serais « les plainte pour viol regroupés ». Ca peut one-shot un député et c’est « honorable », c’est forcer la justice a faire son travail, c’est militer pour le bon droit.

    => Alternée avec une séance de sabotage aveugle, de résistance insensée, d’opposition intransigeante, ou tout les militant semble être des radicalisé et sur le point de craquer, cherchant l’incident, le débordement, semble ne respecter les limite fixé qu’avec grand effort, qu’avec colère refoulé.

    ->Avec une composte « dure », de faux témoignage et diffamation, de démonstration de nombre, de force, d’infiltration, de savoir. Les cambriolages et les invasion de domicile, les lettre du corbeau. Un excellent exemple sont les intrusion dans les centrales nucléaire.

    Pourquoi cette stratégie?

    Personnellement, je suis satisfait de ces méthodes pour disposer d’un élu ou d’un propriétaire, même proche du soleil. Je ne vois pas pourquoi j’irais a la lute armée alors que l’ennemi est si agressif qu’il suffit d’un papier ou d’un coup de téléphone pour les rendre furieux et irrationnels.

    J’avoue que quant on arrive au niveau de « l’impunité » ou le juge est moins puissant que l’accusé (genre, le mensonge de Gérard Colomb en commission d’enquête sénatoriale) Avoir un mouton prêt a balancer ou a mentir n’est plus suffisant. Il en faut un prêt a aller en prison, a mourir.

    Détourner la violence de l’occupant contre lui-même, lui faire frapper impitoyablement l’un des siens, lui faire expulser un fidèle serviteur, monter les composantes de la coalition du pognon les unes contre les autres, faire douter les échelons de la loyautés de leurs suivants, voila ce que l’on fait maintenant.

    En plus je serais pas foutu de faire une bombe… Un engin incendiaire tout au plus 😉

    ++

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