Le libéralisme met la liberté au service du seul individu

Article paru sur Philitt

PHILITT : Vous affirmez que libéralisme économique et libéralisme politique (ou philosophique) se superposent, mais vous mettez de côté les penseurs libéraux qui n’accordent pas une place centrale à la question économique, comme Aron ou Tocqueville. Dans votre introduction, vous dites que « l’étiquette de “libéral” ne suffit d’ailleurs pas à [les] définir ». Pourtant, ils appartiennent bien à une certaine tradition libérale. Le libéralisme anti-totalitaire d’un Aron et la critique de la tyrannie de la majorité par Tocqueville ne mettent-ils pas à mal la thèse de l’unité du libéralisme défendue par Jean-Claude Michéa ?

Editions du Rocher, 352 pages, 19,90 euros

Alain de Benoist : Jean-Claude Michéa n’a jamais prétendu que toutes les formes de libéralisme sont une seule et même chose. Si tel était le cas, ce serait la diversité et la multiplicité des libéralismes qui deviendraient incompréhensibles. Il estime en revanche, et à juste titre à mon avis, que ces diverses formes ont des points communs essentiels, à commencer par une même conception de l’homme. J’explique dans mon livre que l’anthropologie libérale se fonde à la fois sur l’individualisme et sur l’économisme, et j’en avance les preuves. Il se trouve que ni Raymond Aron ni Tocqueville n’accordent une place centrale à l’économisme ni même à l’individualisme (au sens d’un individu non immédiatement social, dessaisi de ses appartenances, entièrement propriétaire de lui-même et recherchant en permanence son meilleur intérêt). Au lieu d’en conclure, à partir de ces deux cas-limites, que le libéralisme n’est pas intrinsèquement lié à l’anthropologie que je viens d’évoquer, il me paraît plus raisonnable d’en tirer, à l’inverse, la conclusion que ces deux auteurs n’appartiennent que de façon très marginale au libéralisme proprement dit (on pourrait d’ailleurs en dire autant de Pierre Manent).

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Nouvelle Ecole n°68 : Paléogénétique des indo-européens


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La découverte, à partir du XVIIIe siècle, de la parenté de la quasi-totalité des langues européennes, auxquelles il faut encore ajouter certaines langues de l’Asie centrale et d’une partie du Proche-Orient, a constitué un tournant décisif de l’histoire de la linguistique. Pour les désigner, on parle de langues indo-européennes. Depuis deux siècles, la recherche a permis d’établir que leur parenté ne se limite pas au vocabulaire de base, mais aussi à la syntaxe, aux structures grammaticales, aux racines et au mode de formation des mots. Elle a aussi montré que les langues indo-européennes dérivent les unes des autres de manière «arborescente», en sorte qu’il est possible, par la reconstitution linguistique, de restituer les traits essentiels de la langue-mère originelle d’où elles sont issues, l’indo-européen commun. Toute langue supposant des locuteurs, la question s’est posée du même coup d’identifier la ou les populations qui ont parlé et développé l’indo-européen commun, d’identifier aussi la culture matérielle qui était la leur et de situer son emplacement sur la carte. De l’indo-européen, on est ainsi passé aux Indo-Européens. C’est l’irritante question du foyer d’origine qui, dans le passé, a donné lieux aux hypothèses et aux supputations les plus diverses. Jusqu’à une période toute récente, on ne disposait pour étudier les Indo-Européens que de moyens relativement limités. La discipline essentielle était (et demeure) bien sûr la linguistique. L’archéologie a aussi joué un rôle. S’y ajoutent enfin les nombreux travaux, tels ceux de Georges Dumézil et de bien d’autres chercheurs, qui portent sur l’étude comparée des religions indo-européennes, des mythes, des épopées, des formulaires poétiques, etc. Or, depuis quelques décennies seulement, on dispose d’un nouveau moyen d’aborder la question. La mise au point de techniques de laboratoire, notamment le séquençage de l’ADN, a ouvert des perspectives décisives permettant d’identifier les porteurs de l’indo-européen commun et de restituer l’histoire de leurs migrations. Une chose est sûre : l’Europe ancienne s’est développée à partir de trois composantes majeures, que sont les chasseurs-cueilleurs du paléolithique, les agriculteurs du néolithique et les populations indo-européennes. Sur ces dernières, dont nous parlons les langues encore aujourd’hui, et dont nous portons les gènes, on en sait désormais beaucoup plus grâce à la paléogénétique.

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Si le référendum d’initiative populaire existait en France, les gilets jaunes ne seraient jamais descendus dans la rue

Entretien à Boulevard Voltaire

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Crédit : Stefan jaouen [CC BY-SA 4.0 (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0)], from Wikimedia Commons

Vous disiez, il y a peu, que les gilets jaunes devraient faire primer leur revendication en faveur d’un référendum d’initiative citoyenne (RIC). Or, voici qu’on nous annonce qu’Emmanuel Macron envisage lui-même de faire un référendum. Qu’en penser ?

Le chef de l’État est aujourd’hui en campagne électorale. S’il va jusqu’au bout de son projet, on sait par avance qu’il y a des sujets qui ne seront pas soumis aux Français, à commencer par l’immigration. Édouard Philippe l’a dit clairement : pas question de faire un référendum « sur n’importe quel sujet ». La grande caractéristique du référendum d’initiative citoyenne, que je préfère appeler référendum d’initiative populaire, est au contraire qu’il permet aux citoyens de susciter une consultation sur tous les sujets d’intérêt collectif qu’ils veulent, dans le domaine politique, économique ou social.

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Le libéralisme est hostile à toute forme de souveraineté

Entretien accordé à Breizh-Info

Breizh-info.com : Vous publiez un nouvel ouvrage intitulé « Contre le Libéralisme – la société n’est pas un marché ». Pourquoi est-ce important de préciser dès l’introduction que c’est à une critique de l’idéologie libérale que vous vous livrez, et pas à un plaidoyer pour la bureaucratie ou à attaque contre la liberté d’entreprendre, de circuler, d’agir, de penser, au libre arbitre ?

Alain de Benoist :  Ceux qui me connaissent auront du mal, je crois, à m’imaginer en adversaire du libre arbitre ou en défenseur de la bureaucratie ! Si j’ai pris la peine d’expliquer, dès le début de mon livre, qu’il faut d’abord s’attaquer aux fondements théoriques de l’idéologie libérale, c’est d’abord parce que celle-ci ne peut être attribuée à un seul auteur. Le « marxisme » est tout entier sorti de la pensée de Marx, mais le libéralisme a de multiples « pères fondateurs », ce qui fait qu’il s’est présenté, depuis deux siècles, sous des aspects parfois très différents. La distinction traditionnelle entre libéralisme politique, libéralisme économique et libéralisme philosophique a encore obscurci les choses au lieu de les éclairer.

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